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Edgardo D. CAROSELLA, directeur de recherche au Commissariat à l’Energie Atomique, chef du service de recherches en hémato-immunologie à l’Institut Universitaire d’Hématologie à l’Hôpital Saint-Louis Christian HERVE, Directeur du Laboratoire d’éthique médicale, Université René Descartes – Paris V. Emmanuel HIRSCH, directeur de l’espace éthique de l’AP-HP, directeur du Département de recherche en éthique Paris Sud 11 et professeur d’éthique médicale Claude HURIET, président de l’Institut Curie, sénateur honoraire, président de l’ONIAM Axel KAHN, directeur de l’Institut Cochin, directeur de l’IFR Alpéa Josf Pierre LASJAUNIAS, chef de service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle à l’Hôpital Bicêtre Le débat est présidé par Jacques ROLAND, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, et animé par Philippe LEFAIT, journaliste
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L’éthique de l’innovation thérapeutique Jacques ROLAND, Président du Conseil de l’Ordre
Je vais laisser à Philippe Lefait le soin d’animer ce Jeudi de l’Ordre, qui réunit un panel prestigieux. Cette réunion est consacrée à un sujet d’une importance extrême, pour lequel notre institution souhaite rester en phase avec l’évolution de notre société et de la science médicale.
Philippe LEFAIT
Je veux introduire ce débat en rappelant tout d’abord que mes confrères journalistes ont été extrêmement friands d’une greffe de visage, parfois de manière très inquisitoriale et désagréable pour les téléspectateurs. Par ailleurs, je constate que, sur internet, nous sommes envahis de courriels publicitaires pour le Viagra. Enfin, récemment, des revues spécialisées ont évoqué les promesses esquissées par les nanotechnologies. Or ces trois exemples renvoient à une réflexion relative à l’éthique de l’innovation thérapeutique.
Par ailleurs, je souhaite confier à la réflexion de médecins les propos d’un romancier qui avait indiqué son souhait de « dérégler la tragédie ». Je considère que cette phrase s’applique parfaitement à l’éthique, qui vise à remettre l’humain au cœur de la science, dans le cadre du combat contre la mort que vous menez.
Définition de l’innovation thérapeutique Philippe LEFAIT
Avant d’entrer dans le vif du débat, je souhaite demander à chaque intervenant de définir ce qu’est à ses yeux l’innovation thérapeutique.
Christian HERVE
Cette expression est pour moi source de grande confusion. Grâce au professeur Huriet, les comités d’éthique ont bâti une véritable éthique de la recherche, notamment en imposant des prises de décisions collégiales ou le consentement des patients. Cependant, je me demande si l’innovation thérapeutique correspond à une démarche de recherche, ou simplement à une pratique clinique. Cette question se pose au quotidien au sein des Comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB), notamment au sein de celui que je préside.
Par ailleurs, il existe une confusion entre l’innovation et la recherche. L’enjeu de ce débat concerne les brevets. En effet, alors que l’idée du brevetage du vivant progressait et que nous souhaitions privilégier un dispositif reconnaissant le caractère sacré du corps, le Parlement a trouvé des artifices permettant la commercialisation de produits issus du corps humain.
Concernant la polémique relative à la récente greffe de visage, je me suis permis d’écrire dans Libération que le problème avait été mal appréhendé. En effet, il aurait été nécessaire de parler d’une démarche de recherche dans le domaine de la chirurgie, et non se contenter de parler d’une
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première mondiale, comme l’ont fait les médias. C’est pourquoi, dans cet article, je demandais si les auteurs de cette greffe avaient demandé l’avis d’un CCPPRB. Or un confrère, professeur de médecine légale, m’a répondu que l’Agence de Biomédecine, ou l’AFSSAPS, avait donné son accord à l’opération, et que cet élément suffisait. Je rappelle que, il y a dix ans, les travaux visant à introduire un spermatozoïde dans un ovule avaient également été considérés comme une simple innovation visant à répondre à la demande de certaines femmes, et qu’il avait été nécessaire de déclencher une polémique pour démontrer que les travaux menés relevaient bien de la recherche.
Enfin, je précise que le décret du 27 avril 2006 relatif aux fonctionnement des nouveaux CCPPRB précise : « Les recherches portant sur les techniques et les stratégies innovantes, ou considérées comme obsolètes, les recherches qui portent sur l’évaluation d’une combinaison innovante d’actes ou de produits, même si chacun de ceux-ci, pris isolément, sont d’une utilisation courante, font partie de la recherche ». Dans ce cadre, l’innovation nécessiterait la mise en place d’une réflexion comparable à celle menée dans le cadre de la recherche.
Claude HURIET
Innover, c’est introduire un élément nouveau. L’innovation thérapeutique consiste donc à introduire un élément nouveau afin d’améliorer les soins. Cette définition permet de ne pas engendrer de confusion avec la démarche de recherche, qui se situe en amont, et dont l’un des objectifs est de permettre l’innovation. Cependant, malgré ces définitions simples, nous constaterons sans doute au cours de nos échanges qu’il est difficile de fixer les limites de l’innovation et d’apprécier le caractère innovant de certaines découvertes.
Axel KAHN
Je suis d’accord avec mon ami Claude Huriet : l’innovation thérapeutique correspond à la mise en œuvre d’une action dont le but est de soigner, qui n’a pas encore été utilisée par le passé et qui est susceptible d’améliorer les soins. Par ailleurs, des éléments importants interviennent en amont de l’innovation thérapeutique :
• les essais thérapeutiques testent une innovation ; • la recherche thérapeutique intervient en amont des essais thérapeutiques et vise à prouver
• la recherche, en tant que telle, peut avoir un but thérapeutique, mais ne constitue pas une
innovation. C’est uniquement si la démarche de recherche est fructueuse qu’elle peut aboutir à une innovation.
La confusion existant entre ces différents termes ne devrait pas exister, dans la mesure où ces définitions sont très claires.
Emmanuel HIRSCH
Les précédents intervenants ont bien défini ce qu’est l’innovation. A mes yeux, cet élément fait partie de la nature même de la médecine. En effet, de tout temps, les grands médecins ont cherché à transgresser des traditions irrationnelles. Le danger est que, actuellement, certains cherchent à déroger aux fondements de l’éthique médicale au nom de l’innovation. Ainsi, alors que le code de
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Nuremberg (1947), puis la déclaration d’Helsinki, consacrent le fait que l’intérêt de la personne est toujours supérieur à l’intérêt de la science et de la société, certains remettent en cause les principes de l’éthique médicale au nom d’intérêts mercantiles.
Par ailleurs, s’il est facile de définir l’innovation, il est plus difficile de préciser en quoi de nouvelles approches sont innovantes. En effet, à l’heure actuelle, ces dernières correspondent parfois à des modes et répondent à des pressions des industriels face à un public en attente d’innovation.
Edgardo D. CAROSELLA
Le mot « innovation » a remplacé les mots « progrès » et « évolution thérapeutique ». En effet, depuis 10 ou 15 ans, nous vivons une véritable révolution technologique, aboutissant à un bouleversement de la thérapie : alors que, par le passé, on demandait au chercheur ce qu’il avait trouvé, on lui demande désormais ce qu’il a créé, dans la mesure où les modifications de gènes permettent de modifier des plantes ou des animaux.
Pierre LASJAUNIAS
Claude Huriet a parfaitement défini la différence entre recherche et innovation. Je tiens simplement à ajouter qu’en amont, il faut prendre en compte les éléments expliquant qu’une communauté de médecins ou de scientifiques, ou le public, va faire émerger un besoin, le formuler comme une question, l’utiliser dans le cadre de la recherche en espérant innover et apporter un progrès. Par ailleurs, en matière de santé, il convient de garder à l’esprit que le progrès médical n’existe que s’il est diffusé au plus grand nombre. Il convient en effet d’éviter que le progrès et l’innovation soient limités à des pays solvables.
II. L’urgence de la réflexion relative à l’éthique Philippe LEFAIT
Cette première étape de notre débat a déjà permis de faire apparaître l’industrie et le marché, donc un potentiel parasitage de l’innovation thérapeutique, destinée en théorie à l’humain. Christian Hervé, pourquoi est-il plus que jamais nécessaire de revenir à l’éthique dans le cadre de l’innovation thérapeutique ? Comment intervient cette exigence dans le cadre de la médecine d’urgence ?
Christian HERVE
Jean Bernard indiquait qu’il avait été obligé de constituer son premier comité d’éthique de la recherche avec ses assistants à la demande d’une revue d’hématologie américaine au sein de laquelle il souhaitait publier une innovation. Cet exemple démontre qu’à cette époque, la représentation et l’acceptabilité du progrès étaient différentes entre les USA, qui exigeaient la présence d’un comité éthique, et la France, qui se satisfaisait d’une représentation traditionnelle de la médecine et du progrès médical. Les références ne sont donc pas forcément évidentes et identiques d’un pays à l’autre.
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Par ailleurs, j’ai dû réfléchir à la possibilité de mener des essais dans le cadre de la médecine d’urgence, avant que la loi Huriet pose un certain nombre de principes. La difficulté portait notamment sur l’information du patient. Intervenant dans le cadre du SAMU, je partais du principe que, ayant été contacté, j’étais habilité à mettre en œuvre de nouvelles technologies. Par ailleurs, nous avions l’habitude de ne pas indiquer à une personne suspectée de faire un infarctus du myocarde qu’elle vivait un accident cardiaque aigu, afin de ne pas accroître son angoisse, au risque d’augmenter sa pathologie. Or réaliser des essais thérapeutiques aurait pu nécessiter de prévenir le patient de la réalité de la situation et des risques du traitement proposé. Heureusement, dans sa sagesse, la loi Huriet a permis de ne prévenir le patient que dans un second temps. Je précise que l’objet de ma recherche se limitait à l’injection d’un thrombolytique avant l’arrivée à l’hôpital. Dans ce cadre, il n’était pas nécessaire de demander au lendemain de la prise en charge si le patient souhaitait arrêter le protocole, dans la mesure où ce dernier n’avait plus de réalité.
Philippe LEFAIT
Emmanuel Hirsch, théoricien de l’éthique, pourquoi la réflexion relative à l’éthique est-elle plus que jamais nécessaire ? Dans l’ouvrage La recherche peut-elle se passer d’éthique ?, dont vous avez assuré la direction avec Brigitte Debuire, vous évoquez le rapport entre le patient, le chercheur et l’industrie, mais aussi le rapport Nord/Sud.
Emmanuel HIRSCH
Je ne me définis pas comme un théoricien de l’éthique, mais simplement comme un membre de la cité qui se pose un certain nombre de questions, alors qu’il évolue au sein du service public hospitalier.
Pour ma part, je souhaite entrer dans le débat en me demandant si l’innovation est éthique en toute circonstance. Je suis parti du postulat qu’il existe un besoin d’innovation, mais qu’il convient de préciser qui doit être chargé de reconnaitre le caractère innovant et qui doit décider de la répartition des budgets entre différents projets. Or comme l’a indiqué Pierre Lasjaunias, l’innovation thérapeutique est aujourd’hui source d’un malentendu moral - dans la mesure où elle fragilise les sociétés à bien des égards - et d’iniquité au niveau planétaire, contrairement aux exigences figurant au sein des textes internationaux de bioéthique.
Au nom de l’innovation, certains laboratoires cherchent à tout justifier. Ainsi, dans le cadre du traitement des cancers, le caractère innovant de certaines molécules semble justifier des prix de vente très élevés, malgré les injustices en termes de santé publique résultant d’un tel élément. Je pose donc la question de la régulation du marché médical, alors que le débat fait intervenir de nombreux lobbies, dont le milieu associatif. Certes, l’intervention des associations a permis de favoriser la recherche d’innovations concernant des maladies touchant un nombre très limité de malades. Cependant, nous constatons que les équipes médicales doivent de plus en plus exister au niveau scientifique en produisant un grand nombre de publications, et sont de moins en moins jugées en fonction du service rendu aux malades.
C’est pourquoi j’ai défini trois items afin d’évaluer les démarches d’innovation :
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• les bénéfices pratiques à tirer de toute innovation, alors que certains appareillages issus de la
recherche sont de plus en plus intrusifs, au risque de remettre en cause la qualité de la relation avec le patient ;
• l’efficience de l’innovation, alors que les effets d’annonce sont susceptibles d’engendrer une
demande de la part des patients avant même que les effets de la nouveauté aient été correctement évalués ;
• la qualité de l’existence des patients, alors que certaines innovations thérapeutiques engendrent
des contraintes contradictoires avec le projet de vie du patient.
Au final, je constate que les choix reviennent de plus en plus aux industriels, dans la mesure où l’Etat se désinvestit de plus en plus de la recherche biomédicale. Par ailleurs, il convient de se demander si tout doit être permis en termes de traitement, alors que chercher à tout « scientifiser » d’une manière mystificatrice revient à remettre en cause la fragilité de la nature humaine.
III. Le poids de l’industrie du médicament Philippe LEFAIT
A vos yeux, il y a urgence à produire de l’éthique face aux pressions que vous évoquez. Qui doit intervenir afin de remettre de l’humain quand l’industriel et l’économique prennent le pas ?
Emmanuel HIRSH
En premier lieu, il convient d’éviter le recours aux « éthiciens », qui constituent la nouvelle génération de moralistes. Ce propos peut vous sembler paradoxal, dans la mesure où j’enseigne l’éthique à l’Université. Cependant, je pense que mon propos doit se limiter à l’enseignement. En second lieu, il faut redonner aux professionnels une certaine autonomie. Ainsi, je constate que, si l’Ordre des médecins est intervenu tardivement dans le cadre du débat relatif à la greffe du visage, son intervention a été d’une grande qualité. Dans ce domaine, l’intervention de l’Ordre était pleinement légitime. Il revient donc aux professionnels d’intervenir, de fixer les règles, et de renforcer leur position dès lors qu’ils obtiennent le soutien de l’Etat. Cette position peut vous sembler utopique alors que le législateur a dévalorisé l’autonomie des professionnels, notamment dans le cadre de la loi du 4 mars 2002. Cependant, à mes yeux, l’école de la liberté doit conduire à valoriser la responsabilité des professionnels, tout en donnant à ces derniers l’accès à des masters d’éthique.
Pierre LASJAUNIAS
Pour embrasser l’ensemble des éléments relatifs aux questions éthiques soulevées par l’innovation, il convient de ne pas avoir peur d’explorer les deux extrémités du champ, en se demandant comment une idée ou un résultat peuvent être pervertis. L’éthique doit correspondre à un comportement proactif, et ne pas se limiter à une démarche uniquement corrective. Pour ma part, je souhaite évoquer cette problématique à travers trois éléments.
Le premier volet correspond à l’enseignement. Pour que le progrès existe, les innovations diffusées doivent avoir fait la preuve de leur qualité. Or l’inertie du mode de fonctionnement des institutions publiques universitaires limite l’évaluation d’un certain nombre d’innovations jugées positives.
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Dans le même temps, l’industrie, qui réalise des investissements importants, tend à prendre en main la mise à jour pédagogique de la communauté médicale et finit par transformer cette dernière en un public de consommateur. Pour éviter de laisser à l’industrie le soin de former le public médical, il convient d’améliorer la transmission de l’innovation à l’ensemble des praticiens en exercice.
Le second volet correspond aux praticiens. Près de la moitié des publications relatives aux innovations thérapeutiques sont le fait d’auteurs ayant des conflits d’intérêt avec les molécules ou les produits dont ils recommandent l’usage. Je n’ai pas de jugement moral sur cet aspect du monde dans lequel nous vivons, et avoir un conflit d’intérêt n’interdit pas de réaliser une excellente recherche. Cependant, les règles doivent être clarifiées. Or à l’heure actuelle, Nature medecine laisse à ses lecteurs le choix de juger si les publications sont de bonne qualité ou non, alors que The Lancet ne publie plus d’articles dont les auteurs reconnaissent un conflit d’intérêt, et que d’autres revues laissent aux auteurs la liberté de déclarer ou non leurs conflits d’intérêt. Par ailleurs, à l’autre bout de la chaîne, les industriels du médicament constituent désormais des think tanks, en demandant aux experts qu’ils réunissent de signer des contrats d’exclusivité et de confidentialité. Cette pratique remet en cause la spontanéité des débats dans les sociétés savantes et traduit un début de confiscation du débat public.
Enfin, le troisième volet correspond au public. L’innovation doit tendre vers le progrès, ce qui couvre la connaissance, la pratique, mais aussi la diffusion du progrès. Or nous constatons que les médecins sont souvent transformés à leur insu en VRP. Ainsi, nous avons publié, enseigné et diffusé le fait que le traitement par voie endo-vasculaire des anévrismes constituait un bouleversement dans la prise en charge thérapeutique des AVC. Cependant, nous nous sommes rendus compte a posteriori que le produit implantable dont nous avions assuré la promotion était vendu 1 000 euros dans les pays développés, mais 3 000 euros en Malaisie, en raison de l’intervention d’un grand nombre d’intermédiaires. Or il convient de rappeler que nous avons une responsabilité éthique dans la diffusion de l’information.
Philippe LEFAIT
Heureusement, l’industrie ne délivre pas encore les diplômes. Quel acteur nous protège de l’instrumentalisation des médecins par l’industrie ?
Pierre LASJAUNIAS
L’enseignement constitue sans doute une des clés de la réponse. Or je constate qu’il existe désormais une confusion entre communication et enseignement. Du fait du vertige technologique dans le domaine de la communication, on estime qu’il est désormais possible d’apprendre seul. Or seule la présence de maîtres et d’exemplarité permet de rééquilibrer le balancier qui penche aujourd’hui du côté de l’industrie. Je tiens toutefois à préciser que je ne considère pas l’industrie comme un mal absolu.
Axel KAHN
Dans l’histoire de la médecine, l’innovation a constitué le début de la tension éthique. Tant que la médecine a été inefficiente, son mot d’ordre a été primum non nocere. C’est simplement lorsqu’elle a cru avoir, puis a eu les moyens de s’affronter réellement à la maladie, qu’elle s’est crue délivrée
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de cette sagesse hippocratique. Les premiers drames éthiques sont contemporains de l’avènement de la médecine efficace.
Dans ce cadre, il est indispensable de connaître les icônes corruptrices pour s’en prémunir à l’avenir. La première d’entre elle correspond au « délire sacré que la passion inspire au génie », pour reprendre les propos de Charles Nicole expliquant les dérives éthiques du grand Pasteur demandant à l’empereur du Brésil de mettre à sa disposition des condamnés à mort pour expérimenter son vaccin antirabique. La deuxième icône corruptrice intervient lorsque les patients sujets de l’expérience (les condamnés à mort de Pasteur, mais aussi des embryons, de très grands vieillards, ou des patients en coma dépassé) n’ont pas pour perspective une humanité prometteuse. La troisième icône corruptrice correspond à l’amplification démesurée des bienfaits que l’on attend d’une innovation alléguée. Nancy Reagan, demandant au Congrès d’autoriser le clonage thérapeutique pour permettre à son mari de retrouver la mémoire, ou Christopher Reeve, persuadé que cette technique lui permettrait de remarcher, ont été victimes de médecins défendant ces thèses. La quatrième icône corruptrice correspond bien évidemment à l’argent et aux conflits d’intérêts. Chacun a encore en mémoire la rétention d’information concernant les effets négatifs du Vioxx à partir de la troisième année de traitement, motivée par les enjeux financiers considérables portés par ce médicament. Enfin, la cinquième icône corruptrice concerne des scientifiques et des médecins qui, poussés par la passion scientifique, l’appât du gain et les bienfaits allégués de la recherche, confrontés au public et intervenant dans un domaine incertain, cessent de dire ce que l’on peut en penser, pour dire ce qu’ils aimeraient que l’on en pensa. Dans un tel cas de figure, l’informateur scientifique devient un lobbyiste comme les autres, ce qui constitue un danger mortel pour notre société, dans la mesure où cette dernière ne sait plus quoi penser d’un grand nombre de sujets. Or pour que le débat démocratique puisse trancher, il est nécessaire que les citoyens soient éclairés par ceux qui détiennent la lumière. Le danger est donc considérable si ces derniers cessent de dire ce qu’ils croient pour dire ce qu’ils aimeraient voir décider.
Il est indispensable de rappeler ces icônes corruptrices à tous les moments de l’innovation thérapeutique, ne serait-ce que pour rappeler le danger. Ainsi, tout en rappelant que je soutiens le principe des recherches sur l’embryon, trop faire appel à la notion selon laquelle ce dernier ne constitue qu’un grumeau de cellules qui n’a rien d’humain présente un danger, dans la mesure où la négation de l’humanité de sujets d’expérience a trop souvent été évoquée par le passé. Evoquer la compétition économique pour justifier certaines actions présente le même risque. Rappeler ces différents éléments est de nature à limiter les risques liés à la médecine innovante.
Philippe LEFAIT
Dans la presse, vous indiquiez récemment : « Le suicide est une maladie d’avenir. Je crois que ce monde, où l’on nous dit que tout est déterminé d’avance par le progrès et par les gènes, crée une société propice au suicide ».
Axel KAHN
Je ne me rappelle pas avoir tenu exactement ces propos. Cependant, il est exact que je me suis beaucoup interrogé sur le suicide, dans la mesure où je suis passionné par la complexité de l’idée de liberté. Dans ce cadre, je fais partie de ceux qui remettent totalement en cause la présentation du suicide comme une ultime liberté. En effet, la liberté correspond au fait de faire un choix, alors que dans l’immense majorité des cas les gens qui se suicident ne perçoivent pas ce qu’ils pourraient
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faire d’autre. La première des formes d’expression de la solidarité serait de rétablir les conditions d’une vraie liberté. C’est pourquoi, lorsqu’une personne a le sentiment que tout est écrit ailleurs (dans le progrès, le marché, les gènes…) et que son destin lui semble insupportable, sa seule possibilité consiste à arrêter la partie.
IV. Le cas particulier des greffes d’organes apparents Philippe LEFAIT
Pourquoi avez-vous estimé insupportable la médiatisation relative à la greffe du visage ?
Axel KAHN
Il n’existe pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre ma position et celle de l’Ordre sur ce point. Je ne me prononce pas sur le principe de l’expérimentation et j’ai même trouvé que l’analyse du Comité d’Ethique avait été trop abrupte sur ce sujet. En revanche, la médiatisation de cet épisode est dangereuse et inacceptable. En premier lieu, la famille de la morte éprouvera sans doute des difficultés à faire son deuil, dans la mesure où le visage de la disparue continue de vivre ailleurs. Cette situation risque de créer un sentiment de dépendance, mais aussi d’injustice pour cette famille, au risque de créer un mal être. Mais cette médiatisation comporte également des risques pour la greffée elle-même. C’est pourquoi ce qui s’est passé aurait dû être condamné beaucoup plus vivement.
Philippe LEFAIT
Edgardo Carosella, pouvez-vous évoquer les questions relatives à l’éthique et à l’identité posées par la récente greffe de visage ?
Edgardo D. CAROSELLA
Je considère que cet épisode constitue plus une innovation en termes d’éthique, qu’en termes de thérapeutique. En effet, les méthodes chirurgicales utilisées sont connues depuis un certain temps. En revanche, contrairement à ce que certains estiment, les problèmes relatifs à la transplantation (tolérance immunologique…) ne sont pas parfaitement résolus. Par ailleurs, au niveau éthique, des réponses ont été apportées concernant les donneurs depuis la première greffe du rein issu d’un donneur vivant en 1952. Cependant, les questions éthiques adressées aux receveurs ont évolué. En effet, par le passé, les patients recevaient un organe vital et non apparent (main, visage). Cet organe pouvait modifier sa personnalité, mais pas son identité. Désormais, des questions nouvelles se posent.
Concernant les donneurs, l’attention se porte sur les familles, qui doivent faire face à la continuité de l’identité de l’être cher. Cette question est d’autant plus pertinente que, du fait du nombre très limité de dons d’organes apparents et de la large communication qui les entoure, l’anonymat du donneur et du receveur peut difficilement être préservé.
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Cependant, la greffe d’organes apparents pose encore plus de questions concernant les receveurs. En effet, ces organes sont l’expression directe de l’identité de l’individu. Ils sont très impliqués dans la relation avec autrui et dans l’image que l’entourage a de l’individu. Les mains sont un élément de communication très important. Elles gardent en elle-même l’histoire et la personnalité de l’individu. Bien évidemment, le visage l’exprime encore d’avantage. Une rupture de l’apparence, telle que l’on ne peut plus se reconnaître soi-même, conduit à une rupture de l’image corporelle et à une crise majeure de son identité. Le receveur d’une greffe apparente doit accepter l’autre, admettre une modification de l’expression de sa propre personnalité. La greffe apparente ne contribue plus uniquement à une fonction organique, mais aussi à l’expression de cette fonction, donc à l’image que l’individu a de lui-même, que les autres ont de lui, et surtout à l’image que le receveur croit que les autres se font de lui. Or ces trois images sont les piliers fondamentaux de l’identité.
Avec une greffe d’organe apparent, une fracture profonde s’installe, car l’image de soi est profondément modifiée. Une fonctionnalité a été donnée à l’organe greffé, mais il reste au receveur à construire l’expression de cet organe, qui est à la fois lui-même et différent de lui-même. L’évaluation doit donc prendre en compte les conditions de vie des patients et la possibilité pour ces derniers de se reconstruire une identité. Ainsi, Clint Hallam, le premier greffé de la main, ne supportait plus son nouvel organe deux ans après l’opération. Il s’est adressé à son chirurgien pour lui demander de l’amputer, mais ce dernier a refusé cette opération car la vie du patient n’était pas en danger. Sans doute aurait-il fallu soulever ce problème avant de greffer la main d’un tiers ! Au final, Clint Hallam a arrêté son traitement d’immunodépresseurs pour mettre sa vie en danger et ainsi pouvoir être opéré.
Bien évidemment, le travail de reconstruction d’identité est difficile, mais il est fécond, dans la mesure où le propre de l’identité est d’évoluer continuellement. C’est pourquoi, en conclusion, je pense qu’il est important que le débat éthique soit aujourd’hui ouvert aux questions spécifiques relatives à la projection de l’identité des donneurs et la reconstruction de l’identité des receveurs. Les greffes apparentes seront considérées comme réussies dès lors qu’elles prendront en compte la reconstruction de l’identité fondée sur un renouvellement et une acceptation d’un nouveau soi-même.
Philippe LEFAIT
Afin de répondre à la fracture identitaire résultant de la greffe d’un organe apparent, vous soulignez la nécessité de mettre en place des groupes d’accompagnement comportant des médecins, des psychologues, mais aussi avec des philosophes et des sociologues, afin de réfléchir aux questions d’éthique. Pensez-vous que la profession médicale est prête à une telle ouverture ?
Edgardo D. CAROSELLA
Le mot « éthique » a pudiquement remplacé le mot « morale ». Par ailleurs, un colloque organisé avec l’Académie des Sciences et l’Académie des Sciences morales et politiques a permis de démontrer que les concepts de morale, éthique et d’identité n’étaient pas identiques pour tous les intervenants.
Je note également que les groupes de recherche anglo-saxons incluent des philosophes des sciences. Or en France, terre de naissance de philosophes formidables, il n’existe quasiment aucune relation
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entre scientifiques et philosophes. Pire, l’enseignement de la philosophie des sciences va s’arrêter à l’Ecole normale. Enfin, le Comité national d’éthique ne compte que trois philosophes parmi ses quarante membres. Or il est anormal de limiter le débat relatif à l’éthique à des scientifiques dont la formation dans ce domaine se limite à une année de philosophie en terminale.
Emmanuel HIRSH
Je ne partage pas cet avis. Je suis professeur d’université en épistémologie. Or je ne pense pas qu’il revient aux philosophes, aux sociologues ou aux anthropologues de dire aux professionnels de la santé ou de la justice ce qu’est l’éthique. Au contraire, je pense qu’il revient aux professionnels d’assumer leurs responsabilités, en intégrant dans leur formation et leur parcours des éléments renvoyant à l’éthique et à la politique. Ainsi, un avis du Comité consultatif national d’Ethique (CCNE) estime que l’éthique médicale doit être enseignée dans le cadre des « humanités », sous ses formes actuelles. C’est pourquoi il serait utile que des médecins et des infirmiers rejoignent les étudiants de philosophie au sein des masters que Christian Hervé ou moi-même animons, afin de mieux comprendre les problématiques relatives à la science biomédicale. En effet, à mes yeux, les donneurs de leçon sont disqualifiés, dans la mesure où nous attendons d’avantages de philosophes et d’anthropologues dans les hôpitaux.
Philippe LEFAIT Emmanuel HIRSCH
Les représentants des associations de patients participent à nos masters. A mes yeux, la solution réside dans la transdisciplinarité.
J’ai trouve remarquable l’intervention d’Edgardo Carosella relative à la greffe du visage, mais je constate qu’il n’a pas évoqué le fait que l’un des chirurgiens ayant dérogé aux règles fixées par la loi était également parlementaire. Or à ce titre, il a voté les lois bioéthiques et connaît parfaitement le sujet. Comment demander à des étudiants en médecine de respecter la loi fixant les règles d’éthique, alors même que le Président de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale ne les respecte pas ?
V. Le cadre législatif Philippe LEFAIT
Claude Huriet, vous avez été parlementaire durant de longues années. C’est pourquoi vous souhaiterez peut-être répondre aux propos d’Emmanuel Hirsch. Plus largement, aborderiez-vous la loi que vous avez fait voter en 1988 dans le même état d’esprit aujourd’hui ?
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Claude HURIET
Avant de répondre à cette question, je tiens à préciser qu’à mes yeux, s’il existe des règles morales, il n’existe pas de règles éthiques. La morale fixe des valeurs sûres pour ceux qui y adhèrent, alors que l’éthique correspond uniquement à un cheminement difficile, fondé sur des interrogations et des réflexions menées par des personnes provenant d’horizons divers, et parvenant très exceptionnellement à établir des certitudes.
Concernant la loi de 1988, je persiste et je signe, même si le contexte a heureusement beaucoup changé, du fait de l’évolution des comportements, des cultures, et d’une prise de conscience de l’opinion concernant la nécessité de la recherche clinique et les conditions dans lesquelles cette dernière doit se dérouler. Je rappelle qu’à l’époque, la loi avait été perçue comme une révolution et avait été vivement combattue par certains chercheurs et médecins estimant qu’elle était inapplicable. En réalité, le principe du consentement, issu de la déclaration de Nuremberg (1947), n’était pas entré dans les mœurs. A titre d’exemple, les médecins en charge des cancers de l’enfant étaient révoltés contre une loi imposant le respect du consentement éclairé et l’accord de la famille. Je crois que cette loi s’applique désormais à la satisfaction d’un grand nombre. Cependant, je suis préoccupé des évolutions qu’elle a connues récemment du fait de la transposition de la directive européenne.
Pour ma part, je voudrais rappeler que, si la finalité de l’innovation thérapeutique est le progrès de la médecine, l’amélioration de la santé constatée depuis une vingtaine d’années ne résulte qu’en partie de l’innovation. L’exemple de nombreux pays sous-développés montre que les progrès les plus spectaculaires trouvent souvent leur origine dans la culture ou l’éducation. Cet élément doit nous rendre modeste et modérer l’ivresse de l’innovation dont certains sont saisis.
Je souhaite ensuite suivre les différentes étapes du processus innovant. Il convient en premier lieu de noter que les chercheurs sont sollicités par différents projets de recherche et feront souvent leur choix en fonction de données renvoyant plus au marché de la santé qu’aux véritables besoins de santé. Certes, nous ne devons pas faire preuve d’angélisme et rappeler que l’élaboration d’une molécule innovante représente un coût de près d’un milliard d’euros, ce qui implique de disposer de perspectives de retour sur investissement. Cependant, cet élément explique qu’une multinationale préfèrera développer le Viagra à un traitement antipaludique. Ces choix interviennent dans le cadre de l’apparition d’une revendication d’un droit à l’innovation de la part de l’opinion, via les médias et internet. Cependant, il s’agit d’une demande d’innovation sans risque de la part de la société, ce qui pose d’autres problèmes.
Le second stade correspond à la recherche. Ce point a déjà été évoqué par les autres intervenants, c’est pourquoi je ne le développerai pas. Cependant, je tiens à noter la réflexion relative aux placébos, dont Jean Bernard avait indiqué qu’ils étaient éthiquement indéfendables, mais scientifiquement nécessaires. En effet, dans le cadre d’une mission parlementaire d’évaluation des lois de 1994, nous avions eu connaissance des recherches menées aux Etats-Unis concernant le traitement de la maladie de Parkinson au travers de l’implantation de cellules embryonnaires intracérébrales, prévoyant des craniotomies placébos.
La troisième étape correspond à l’aboutissement de la recherche. Les innovations portent désormais sur l’apparition de médicaments intelligents et de traitements ciblés dans le cadre de la lutte contre le cancer. Or ces traitements sont susceptibles de produire des effets positifs uniquement sur les femmes dont la formule génétique sera appropriée au médicament. Le traitement, extrêmement efficace, sera donc réservé à certaines femmes, ce qui engendrera un sentiment profond d’injustice
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de la part des autres femmes, avant que d’autres médicaments ciblés permettent de traiter d’autres patients.
Je souhaite également évoquer les modifications de l’innovation constatées au cours des dernières années. Ce chapitre couvre en premier lieu le ralentissement du rythme de l’innovation, un constat réalisé y compris au sein des firmes pharmaceutiques. Son contenu même semble évoluer, puisqu’elle correspond de moins en moins à l’apparition de nouvelles molécules, et de plus en plus à un ensemble de pratiques apportant des améliorations. Par ailleurs, la finalité de l’innovation change. Ainsi, le Viagra renvoie à la réflexion relative à la performance. L’indication de ce médicament est-elle une indication thérapeutique, dans la mesure où voir ses performances sexuelles diminuer après un certain âge est dans l’ordre des choses ? Pour leur part, les nanotechnologies, qui suscitent un enthousiasme sans doute déraisonnable, renvoient au surpassement de l’homme. Là encore se pose la question de la limite entre les applications thérapeutiques innovantes et les applications destinées à permettre des surperformances des hommes. Ces différents éléments participent d’une réflexion à laquelle le Conseil national de l’Ordre des médecins a un rôle à jouer.
Enfin, concernant la médiatisation relative à la greffe partielle de visage, je rappelle que, dans un rapport consacré aux nouvelles technologies de l’image et de la communication, rédigé dans le cadre de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, j’avais proposé la création d’un concept d’info-éthique, c'est-à-dire d’éthique de l’information, parallèlement au concept de bioéthique. Cette proposition n’a pas eu de suite pour le moment. Cependant, la prise de position du Conseil de l’Ordre me donne l’espoir qu’il soutienne ma démarche. En effet, nous sommes de plus en plus dépendants d’une conception sans limite de la liberté du journalisme, sans aucun contrepoids destiné à préserver le respect dû à chaque homme. Or évoquer ces sujets engendre encore plus de crispations de la part des journalistes, attachés à la liberté d’informer, que de la part des chercheurs.
Philippe LEFAIT
Je suis d’accord avec vous. Je suis l’un des premiers à regretter les dérives du monde de l’information. Cependant, cette réflexion est difficile à mettre en œuvre.
Claude HURIET
Créer le CCNE n’a pas non plus été aisé.
Philippe LEFAIT
Certes, mais l’industrie représente un élément terrifiant en termes de communication.
Axel KAHN
Je ne souhaite pas réanimer le conflit frontal entre les scientifiques et les médiateurs. En réalité, ces deux catégories d’intervenants forment un couple satanique, au sein duquel les uns et les autres se manipulent réciproquement. En effet, la grande majorité des dérives scientifiques ayant comporté
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une phase médiatique trouve son origine dans l’absence d’éthique des médiateurs et des informateurs scientifiques.
Emmanuel HIRSCH
Par nature, l’innovation scientifique fascine les journalistes, attirés par la nouveauté. C’est sur la base de cet élément que se construit la perversion. En effet, de véritables innovations en termes de soins ne font pas la une des médias car elles ne sont pas perçues comme exceptionnelles. La hiérarchisation de la pertinence des innovations opérées est donc critiquable : dans les faits, certaines équipes médicales fabriquent des effets d’annonce en se faisant aider d’agences de communication.
Par ailleurs, je constate que les personnes qui interviennent sur ces sujets, surtout si elles ne sont pas médecins, se voient rapidement affublées du titre « d’éthicien », c'est-à-dire une personne rétrograde, en dehors de la réalité, et ne participant pas à l’éthique de la compassion, au nom de laquelle il convient toujours de se placer du côté du plus faible. Cette ringardisation de la réflexion est particulièrement pernicieuse.
Philippe LEFAIT
Les journalistes n’ont pas soif de nouveau, mais de spectaculaire, ce qui explique certaines hiérarchisation de l’information.
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Bernard GUIRAUD CHAUMEIL
Je préside à la Haute Autorité de Santé, la commission chargée d’évaluer les dispositifs médicaux. Je suis frappé par la méfiance et la suspicion dont les différents intervenants ont fait preuve. Sans doute cette vision correspond-elle à l’air du temps. En effet, lorsque les médecins étaient ignares, ils étaient sacrés ; lorsqu’ils étaient savants et inefficaces, ils étaient respectés ; maintenant qu’ils sont savants et efficaces, ils sont suspectés. Les juges et les médias sont sans doute à l’origine de cette évolution.
Pour ma part, je considère que l’innovation doit permettre une rupture. Or 75 % des dossiers examinés par la commission que je préside n’apportent aucune innovation, et les 25 % de dispositifs innovants restants ne constituent pas à proprement parler une rupture changeant la vie. Comment ne pas voir dans l’innovation-rupture une transgression ? N’avons-nous pas constitué une éthique de la méfiance et de la suspicion ? Comment bâtir une éthique fondée sur la confiance ?
Claude HURIET
La réponse à ces questions réside dans la réflexion éthique pluraliste. Ce n’est pas l’éthique, mais l’absence d’éthique, ou une vision passéiste de l’éthique, qui doit susciter la méfiance. Plus les lieux de réflexion consacrés à l’éthique seront nombreux, à l’image des espaces éthiques régionaux, plus nous serons en mesure de lutter contre la méfiance que vous évoquez.
Christian HERVE
Je n’ai pas souhaité intervenir jusqu’à présent, car je pense que nous nous reposons sur de fausses idées. Ainsi, le seul pays où une réflexion forte relative à l’éthique est organisée avec les praticiens est les USA, notamment à Cleveland. Au contraire, il est regrettable de constater que les philosophes de l’Ecole normale n’ont aucun rapport avec les praticiens. Or nous avons créé un DEA d’éthique il y a déjà 15 ans, avec pour objectif de faire travailler ensemble les praticiens, les sociologues, les juristes, mais aussi les philosophes et les épistémologues. Le problème est identique dans d’autres pays : en Allemagne, le débat est mené par les historiens des sciences, qui n’ont jamais vu un patient, et qui se limitent donc à des débats théoriques.
Cependant, nous ne devons pas pour autant nous auto-flageller. En effet, à l’occasion d’un récent colloque consacré aux sciences humaines et sociales organisé par le Ministère de la Recherche, il a été noté que l’INSERM disposait de trois équipes de sciences humaines et sociales, ce qui peut sembler insuffisant, mais qui constitue une exception par rapport à des instituts de recherches étrangers.
Mettre en œuvre une réflexion avec les professionnels représente une démarche de longue haleine. A mes yeux, l’éthique médicale consiste à procéder à une évaluation critique des pratiques médicales, par des praticiens en contacts avec d’autres disciplines. Cette démarche permettrait d’éviter le développement d’une éthique de la critique permanente de la part de ceux qui ne participent pas au processus, et au contraire de rentrer dans les problématiques afin de guider les chercheurs dans leurs choix.
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Axel KAHN
Je suis en désaccord avec le fait même de parler d’éthique de la confiance ou d’éthique de la méfiance. A mes yeux, l’éthique correspond à une réflexion sur l’action bonne dans le domaine biologique et médical, associée à l’obligation de préciser les valeurs fondant la décision. Ainsi, l’éthique se présente toujours sous la forme d’une tension, entre deux rationalités en opposition claire. Ainsi, la recherche sur l’embryon est susceptible d’aboutir sur de merveilleuses connaissances aboutissant à de réels progrès thérapeutiques, mais intervient sur un élément représentant un début de vie humaine.
Par ailleurs, un éthicien n’est pas méfiant ou confiant dans une sagesse révélée ; il cherche à se forger sa propre opinion. Il doit être capable de décider l’action bonne, en précisant au nom de quoi il convient de privilégier cette dernière. Son maître-mot est la lucidité.
Vous avez raison de relever l’atmosphère de « technophobie » qui règne à l’heure actuelle, dans laquelle les chercheurs ou les médecins innovants que nous sommes ne peuvent pas se reconnaître. Cependant, nous savons que la qualité des travaux réalisés, qui doivent être jugés à l’aune de leur scientificité, de leur technicité, de leur plausibilité, n’indique rien de leur valeur morale. A mes yeux, le climat de défiance vis-à-vis de la technologie correspond à une réaction « d’amoureux déçus », dans laquelle chacun a sa part de responsabilité. En effet, la science et la médecine ont tendance à être sûres d’elles-mêmes et dominatrices, notamment en annonçant de merveilleuses perspectives dans le domaine du cancer, alors qu’une forte augmentation du nombre de cancers est programmée dans notre pays. Ajouter à cet élément les scandales que chacun connaît explique cette atmosphère contre laquelle nous devons lutter en nous fondant sur l’éthique de la lucidité.
Bernard GUIRAUD CHAUMEIL
Dans ma question, j’ai tenu à évoquer le thème de la méfiance, car c’est bien le climat que j’ai ressenti dans votre discussion. C’est pourquoi j’ai tenu à vous faire réagir, afin de nous redonner confiance.
Gabriel VUE (Président du Conseil Départemental de la Haute Marne)
Lorsque j’étais interne, il y a 45 ans, un patron américain visitant notre service avait demandé à mon chef de service s’il pratiquait des hémicorporectomies. Devant la réaction horrifiée de mon chef de service, l’américain nous avait répondu avec une naïveté confondante : « il est vrai que vous n’avez pas de nègres ici ».
Axel KAHN
Je tiens à préciser que j’ai vu pratiquer des hémicorporectomies en France.
Gérard LAGARDE, Conseiller national
Le Conseil national est chargé de l’information de l’ensemble des praticiens français. Sur la base de ce très intéressant débat, est-il possible de dégager des règles de conduite pour les médecins prescripteurs de base ?
Conseil national de l’Ordre des médecins
Axel KAHN
Lors de ce débat, je n’ai pas eu l’impression de quitter les préoccupations du praticien ou du chercheur de base. En effet, toute ma réflexion est basée sur ma pratique médicale. Certaines règles sont extrêmement importantes. En premier lieu, il est nécessaire d’avoir conscience des mécanismes qui, dans toute l’histoire de la médecine efficace, ont abouti à des dérives.
Un second élément correspond au test final. Certes, la médecine a évolué et, dans le cadre du consentement libre et éclairé, le médecin sait qu’il doit respecter l’autonomie du patient, donner une information claire et éviter le principe de malfaisance. Cependant, il convient de rappeler qu’un médecin ayant respecté ces éléments n’est pas au terme de sa démarche de responsabilité, dans la mesure où un médecin sûr de sa science se trouve dans une position différente de celle d’un patient ne comprenant pas tous les éléments, terrorisé par ce qui lui arrive et parfois déstabilisé par la douleur. C’est pourquoi ce médecin doit également prendre en compte un principe de solidarité. Le respect de ce principe passe par un test simple : lorsqu’un médecin doit appliquer une technique innovante, même si le patient a signé tous les protocoles, il doit se demander comment il agirait s’il était le patient, ou si ce dernier était son enfant. En cas de réponse négative, sans doute l’innovation ne répond pas aux critères éthiques. En effet, l’acceptation du patient ne justifie pas tout, dans la mesure où aucun malade, ou aucun parent d’un enfant malade, ne refusera un essai thérapeutique, dans l’espoir que ce dernier se montre efficace.
Claude HURIET
Il convient en premier lieu de ne pas sous-estimer l’aide que peuvent apporter aux médecins les dispositions administratives et réglementaires, qui au premier abord peuvent présenter un caractère contraignant. Il est également nécessaire d’adopter une attitude positive vis-à-vis des bonnes pratiques et du concept d’amélioration du service médical rendu. Par ailleurs, il est impératif que la formation initiale permette d’acquérir un esprit critique, notamment dans le cadre du compagnonnage et de la formation entre le maître et l’élève. La formation continue et obligatoire a pour sa part comme idéal de permettre aux confrères d’actualiser leurs connaissances. Il convient cependant d’être attentif aux conditions dans lesquelles l’industrie pharmaceutique cherche à s’immiscer dans cette démarche.
Je ne vois pas d’autres réponses à votre question. Je sais cependant que cette réponse n’est pas satisfaisante face à des patients de mieux en mieux informés grâce à internet et revendiquant un droit à l’innovation sans risque. L’Ordre des médecins est concerné par cette réflexion, afin que nos confrères n’aient pas le sentiment d’être seuls et sans soutien dans ce cas de figure.
Emmanuel HIRSCH
Je crois qu’il convient de poser la question aux politiques. La démagogie ambiante a favorisé le milieu associatif et les personnes malades. Ainsi, la loi du 4 mars 2002 précise que ces derniers disposent d’un droit de décision, délégitimant ainsi la fonction du médecin. La désignation d’une personne de confiance renforce cette évolution, qui fait du médecin un prestataire de services, soumettant au choix du malade son catalogue de produits.
Conseil national de l’Ordre des médecins
Pour ma part, je revendique le droit à rêver. Ainsi, en 1987, Willy Rozenbaum indiquait qu’il avait besoin de croire en l’AZT. Nous ne devons donc pas totalement rejeter les représentations symboliques susceptibles d’être produites par l’innovation.
Par ailleurs, je constate que les médecins souhaitant voir leur carrière progresser sont tenus de réaliser une démarche de recherche, y compris en médecine de ville. Ce phénomène est susceptible d’engendrer une confusion de genre entre le médecin et le bio-médecin. Je note également que les médecins interviennent dans des domaines de plus en plus spécialisés et peuvent de moins en moins consacrer du temps à la réflexion, notamment en raison de leur transformation progressive en agents de santé publique. C’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire de réhabiliter la fonction du médecin et sa reconnaissance sociale.
Enfin, il faut en finir avec l’omerta et demander combien de médecins se sont compromis avec le Téléthon, en réalisant des effets d’annonce chaque année afin de bénéficier des crédits de l’AFM, alors qu’ils ne bénéficient pas de traitements efficaces. Ainsi, certains spécialistes des thérapies géniques commencent à indiquer que, depuis 20 ans, les intervenants ont quitté les chemins traditionnels et ont fait de mauvais choix. C’est pourquoi il serait indispensable d’évaluer ce que le Téléthon a réellement apporté en termes d’innovation thérapeutique, tout en reconnaissant que cette opération a grandement participé à l’amélioration de la qualité de vie des patients.
Christian HERVE
Je pense que nous nous illusionnons avec les mots. En réalité, comment expliquer une innovation thérapeutique à un patient ? Comment fonder la pratique médicale sur la loi relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé, qui met au pinacle l’information et le consentement des patients, et mettre en place une relation égalitaire entre le médecin et le patient ? Je rappelle que la relation entre un patient et un médecin n’est pas déséquilibrée. En effet, un colloque, réunissant notamment Alain Touraine, a permis de montrer la différence entre une relation d’autorité et une relation de pouvoir, dont le but est de gérer une zone d’incertitude. Quel est l’intérêt de la loi de 2002, alors que les médecins sont placés dans un cadre productiviste, y compris à l’hôpital dans le cadre de la tarification à l’activité ? Comment gérer ces contradictions ? En réalité, il faudra attendre un procès pour exhiber un médecin au rang de victime expiatoire.
Pour ma part, je préconise de revaloriser le travail du médecin, notamment en réintroduisant dans les cours la relation entre médecin et patient. C’est notamment ce que j’ai choisi de faire lorsque j’ai repris le P1 au sein de la Faculté Necker.
Claude HURIET Christian HERVE
L’intervention de certains sociologues, dont Alain Touraine, ou la lecture de Michel Foucault, permet de comprendre un certain nombre d’éléments. C’est pourquoi je suis d’accord avec Emmanuel Hirsch pour demander l’arrêt de victimisation du médecin et la revalorisation de son travail. Comme l’indique la sociologie, la médecine est une profession comme une autre et doit
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avoir ses propres exigences. Dans ce cadre, le médecin se doit de demander la revalorisation du temps consacré à la discussion avec ses patients, y compris en limitant le nombre de patients. Je reconnais cependant que cet élément reviendrait à remettre en question la profession.
Edgardo D. CAROSELLA
Je constate que nous déclinons le mot « éthique » sous toutes ses formes, mais j’ai le sentiment que nous ne savons pas exactement ce que recouvre cette notion. Par ailleurs, je confirme que la pluridisciplinarité est un élément positif et je persiste à demander l’intervention de philosophes afin d’améliorer notre compréhension de ces sujets. En effet, le fait de savoir conduire est insuffisant pour conduire une voiture : il faut également connaître le code de la route.
Par ailleurs, comme l’a indiqué Pierre Lasjaunias, il convient de bien distinguer l’information de l’enseignement. En effet, les mêmes mots ne recouvrent pas les mêmes vérités. C’est pourquoi, si internet peut fournir une information extraordinaire, les mots adressés par un médecin à un patient atteint d’un cancer gardent une importance fondamentale.
Concernant la recherche, ou les médicaments, l’objectif ne consiste pas à croire, dans la mesure où nous ne sommes pas dans le domaine de la religion, mais à démontrer, sur la base d’une distance critique qui fait aujourd’hui cruellement défaut. Certes, l’éthique constitue un élément relatif. Cependant, nous devons reconnaître que certaines pratiques en cours aux Etats-Unis, notamment l’implantation quasi-systématique de prothèses mammaires pour les femmes de plus de 50 ans, s’expliquent uniquement par des contraintes d’assurance. Elles n’ont heureusement pas cours en France.
Il est exact que les médias, notamment dans le cadre du Téléthon, mentionnent toujours des novations donnant espoir. Cependant, cette pratique devrait s’accompagner d’une information concernant la concrétisation des espoirs nés par le passé. Or le Téléthon ne s’est jamais expliqué concernant les faux espoirs entretenus dans le domaine de la génothérapie.
Enfin, en tant que chercheur, je constate que la recherche est devenue une démarche très sérieuse, ayant perdu son caractère ludique. Elle doit s’accompagner d’une réflexion scientifique, mais aussi d’une démarche en conscience.
Pierre LASJAUNIAS
Je considère que nous ne devons pas évoluer vers une société d’experts, au sein de laquelle chaque individu possédant un savoir se déchargerait de sa responsabilité sociale et de sa vision globale de l’individu. Cette vision serait extrêmement dangereuse. Pour ma part, je partage le souhait d’Edgardo Carosella concernant l’accentuation des contacts avec les philosophes. Je pense que cette démarche s’inscrirait dans le cadre de la volonté d’Axel Kahn d’ouvrir les conseils scientifiques au public. En effet, nous ne devons pas nous enfermer dans nos systèmes, alors que nous avons besoin du contact avec les patients.
Par ailleurs, je tiens à rassurer Christian Hervé : je pense que l’enseignement est porteur de tous les espoirs. Le problème est que, dans les carrières universitaires, la recherche est privilégiée par rapport à l’enseignement. Ainsi, certains professeurs n’ont jamais suivi un cours de pédagogie et ne savent pas ce qu’enseigner veut dire. Comment dans ces conditions indiquer qu’il n’est pas possible
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d’enseigner l’éthique ? Pour ma part, en PCEM 1, 1 000 étudiants suivent mon cours, dont une partie à travers un écran installé dans des amphithéâtres où je ne suis pas présent physiquement. Dans ce cadre, nous allons perdre le lien de silence qui existe entre le maître qui enseigne et ses élèves : autant enregistrer les cours et les diffuser sur DVD ! Or il est indispensable de réinvestir dans l’enseignement par les hommes et ne pas croire que la technologie de la transmission résoudra tout. Ces propos peuvent sembler ringards, mais je vous assure qu’un cours au tableau noir peut être bien plus efficace que toutes les technologies.
Albert DEZETTER, Conseiller national
Il a été indiqué que l’information délivrée par les médias pouvait être biaisée du fait de la recherche du sensationnel. Cette situation risque d’accroître le consumérisme des patients. Pour leur part, les praticiens sont plutôt mieux informés et, de ce fait, se trouvent en porte à faux vis-à-vis des nouvelles demandes des patients. C’est pourquoi je considère que, sans éthique, l’information délivrée par les médias n’est pas raisonnable.
Jean LANGLOIS, ancien Président du Conseil national
J’ai entendu de nombreux éléments intéressants concernant l’innovation thérapeutique, mais je suis frappé de constater qu’aucun intervenant n’ait évoqué la nécessité d’évaluer les innovations, alors même que la recherche fait l’objet d’une évaluation exigeante.
En second lieu, je vous ai trouvé très sévère vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Je précise pour lever toute ambiguïté que je suis totalement indépendant vis-à-vis de cette dernière. Cependant, je rappelle que la cyclosporine, introduite en thérapeutique de manière accidentelle, a permis un développement des transplantations, alors que ce produit n’était pas prometteur en termes économiques.
Enfin, je constate que les temps ont bien changé concernant la pratique médicale et chirurgicale. En effet, mon maître Charles Dubost a réalisé la première greffe de l’aorte abdominale au monde après avoir fait quelques tests sur des chiens, mais en l’absence de toute expérimentation réelle. Cette expérimentation thérapeutique a ouvert la voie à toute une chirurgie, au plus grand bénéfice des malades. D’autres innovations thérapeutiques n’ont pas été aussi salutaires. C’est pourquoi il est important que les médecins et la société s’interrogent sur les innovations apportées, car il n’est jamais certain qu’une innovation thérapeutique soit toujours licite. La critique et l’évaluation sont donc indispensables.
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Conclusion Jacques ROLAND, Président du Conseil de l’Ordre
Nous avons assisté à un magnifique débat. Cependant, je ne sais pas si Monsieur Lefait estime désormais que la tragédie est déréglée. Pour ma part, je considère que nous avons pu apporter un peu de lucidité sur un certain nombre de sujets.
En premier lieu, l’innovation, si souhaitable, et qui appelle à l’espoir, nécessite de réaliser des choix, motivés par différents éléments : la vision industrielle ; la vision scientifique, malgré les icônes corruptrices ; les besoins des individus ; enfin, ce qui est nouveau, une vision sociologique. Au final, l’innovation peut avoir pour but la création de médicaments comparables au Viagra, ou la recherche contre le paludisme. Bien évidemment, cette présentation correspond à une simplification extrême, mais chacun comprend les enjeux de ces choix au niveau mondial. Ces questions concernent le Conseil de l’Ordre, dans la mesure où le comportement de chaque médecin dans ces domaines renvoie à la réflexion déontologique. Cette dernière doit être définie en prenant en compte les évolutions de la société. C’est pourquoi, même si le Code de Déontologie fixe des voies saines, beaucoup d’éléments restent à préciser.
Le choix de l’innovation doit également se conformer au respect d’un esprit de qualité. Cette exigence implique d’évaluer les pratiques des chercheurs, des enseignants, mais aussi des prescripteurs. En effet, chaque maillon de la chaîne doit mener sa propre réflexion éthique et se conformer aux recommandations déontologiques qui lui sont propres.
Plusieurs orateurs ont souligné que l’une des clés d’amélioration résidait dans l’enseignement. Bien évidemment, ce dernier ne se limite pas à l’information. Par ailleurs, l’enseignement ne serait rien pour les médecins s’il ne comportait pas un volet consacré à l’éducation, afin de modifier les comportements. Pour aller au bout de la logique soutenue par Pierre Lasjaunias, il convient de reconnaître que diffuser un enseignement à 1 500 élèves, disséminés dans différents amphithéâtres, pose problème, car cette pratique fait appel à une image virtuelle de l’enseignant. Toujours sur ce thème, ce débat est pour moi l’occasion de soulever un point de désaccord avec Claude Huriet, ce qui est extrêmement rare. En effet, contrairement à lui, je considère qu’il est indispensable que les enseignants prennent en compte le volet de l’éthique, en démontrant qu’ils s’y intéressent en permanence. Ce volet doit donc figurer dans les programmes d’enseignement, avec pour objectif de participer à l’éducation des étudiants en médecine.
Dans ce cadre, l’Ordre des Médecins doit écouter et réfléchir avec ceux, tous ceux qui cherchent à former des professionnels dignes de confiance. Je rappelle que l’Ordre ne s’est pas opposé à la loi 2002, dans la mesure où il avait estimé qu’il ne pouvait pas aller contre une démarche visant à faire disparaître la défiance à l’égard des praticiens. Dans le cadre de ce débat, j’ai beaucoup aimé le rappel de la responsabilité des médecins réalisé par Christian Hervé, tout comme les propos d’Emmanuel Hirsch contestant le cantonnement de la réflexion relative à l’éthique à des « éthiciens ». L’Ordre a également pour mission de faire progresser la réflexion en la matière, dans la mesure où il doit s’ouvrir à la société dans laquelle il évolue et militer dans le cadre des espaces régionaux éthiques.
Conseil national de l’Ordre des médecins
Je conclurai en rappelant que l’on a toujours besoin des autres pour penser par soi-même. Pour ma part, comme l’éthique n’appartient à personne, elle appartient également à l’Ordre des médecins, au service des patients.
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